RÉSUMÉ
Contexte :
Le diabète est une maladie très fréquente et responsable d’une morbidité et d’une mortalité élevées. La Guyane, accusant une grande précarité et un accès aux soins très inégalitaire, présente une prévalence du diabète presque deux fois plus élevée qu’en France hexagonale. L’étude épidémiologique des décompensations diabétiques permettrait d’améliorer la prise en charge de ces patients.
Objectif :
L’objectif de cette étude est d’établir l’incidence des passages aux urgences de Cayenne pour les différentes décompensations diabétiques. Dans un second objectif, nous avons étudié les profils socio-démographiques et cliniques, ainsi que le parcours de soins des patients.
Matériel et méthode :
Du 1er mai au 31 aout 2021, nous avons réalisé une étude prospective au Centre Hospitalier de Cayenne (CHC), incluant tous les patients se présentant aux urgences pour décompensation diabétique. Nous avons exclu tout patient avec une pathologie intercurrente ayant pour conséquence un déséquilibre glycémique. Les variables étudiées sont des caractéristiques sociales telles que les caractéristiques socio-démographiques, le niveau éducatif et l’activité professionnelle ainsi que la souscription à une sécurité sociale. Nous avons également étudié des variables médicales comme les antécédents médicaux, les traitements, la prise en charge aux urgences, l’hygiène de vie et le suivi médical du diabète ainsi que l’observance thérapeutique.
Résultats :
Cette étude a inclus 85 patients pour décompensation diabétique ce qui représente une incidence de 0,9%. La cohorte était composée majoritairement de femmes (59%), d’âge intermédiaire (51 ± 17 ans) avec un niveau socio-économique précaire (56%). Ils ont été 61% à consulter pour hyperglycémie et 27% pour malaise. Il a finalement été conclu à une hyperglycémie pour 51% des patients, à une découverte du diabète pour 22% et à une décompensation diabétique pour 27%. Ils ont été 46% à être hospitalisés et la durée moyenne de séjour était de 7 ± 3 jours. Seulement 46% des patients consultent leur médecin traitant, 12% déclarent un suivi par un cardiologue et 23% par un ophtalmologue. Seuls 40% décrivent une bonne observance médicamenteuse. Nous retrouvons dans nos résultats, une association significative entre suivi médical et profession (41% vs 12%, p= 0,035), ainsi qu’entre précarité et absence de médecin traitant (46% vs 92% p<0,01).
Conclusion :
Ce travail souligne une grande précarité chez les patients diabétiques en Guyane ainsi qu’un suivi médical et paramédical encore très insuffisant. L’adhérence aux traitements reste faible en l’absence de médecin traitant. Améliorer l’éducation du patient à sa maladie chronique constitue un levier pour une meilleure prise en charge du diabète. Il existe également une négligence concernant l’hygiène de vie. Il serait nécessaire que les pouvoirs publics et les sociétés savantes prennent conscience des difficultés et des particularités de ce territoire afin de mettre en place une organisation sanitaire plus adaptée.
Mots clés : Diabète, Guyane Française, Inégalités de santé, Épidémiologie, Suivi, Précarité.
ABSTRACT
Background
Diabetes is a very common disease, responsible for a high rate of morbidity and mortality. Precariousness and difficulties in access to healthcare are widespread in French Guiana. The prevalence of diabetes in French Guiana is almost double that in Mainland France. The epidemiologic survey of diabetes decompensation would improve patient care.
Objective
The objective of this study is to establish the incidence of admissions in the emergency department of Cayenne for diabetic decompensation. As a secondary objective, we studied the socio-demographic and clinical profiles as well as the course of care for the patients.
Methods
From the 1st of May until the 31st of August 2021, we conducted a prospective observational study in the Cayenne General Hospital. We included all patients who consulted in the emergency department for diabetes decompensation. We excluded any patient with an intercurrent pathology resulting in a glycemic imbalance. The variables studied are social characteristics such as socio-demographic characteristics, educational level and professional activity as well as health coverage. We also studied medical variables such as medical history, treatments, emergency management, lifestyle and medical monitoring of diabetes as well as therapeutic compliance.
Results
Our study included 85 patients for diabetic decompensations, which represents an incidence of 0,9%. Our cohort was mostly female (59%) of intermediate age (51 ± 17 years) with a precarious socio-economic status: 56% of patients report having real difficulties meeting their needs. 61% consulted for hyperglycemia and 27% for malaise. We concluded of hyperglycemia diagnosis for 51% of the patients, with a discovery of diabetes for 22% and with a diabetic decompensation for 27%. 46% of them were hospitalized and the average length of stay was 7 ± 3 days. Only 46% of patients consulted their general practitioner, 12% reported follow-up by a cardiologist and 23% by an ophthalmologist. Only 40% described good medication compliance. We found in our results, a significant association between medical follow-up and profession (41% vs 12%, p= 0.035), as well as between precariousness and the absence of a family physician (46% vs 92% p<0.01).
Conclusions
This work highlights a great precariousness in diabetic patients in French Guiana. It also shows insufficient medical and paramedical follow-up. Adherence to treatment remains low or even very insufficient in the absence of a treating physician. Correcting shortcomings in medical and biological follow-up, adherence to treatment and unhealthy lifestyle are ways to explore in improving patient education about their chronic disease. It is necessary that public authorities and scientific societies become aware of the difficulties and the particularities of this territory in order to set up more adequate health strategies.
Key Words: Diabetes mellitus, French Guiana, health inequalities, epidemiology, follow up, precariousness