RÉSUMÉ
Introduction : La Guyane fait preuve d’une organisation sanitaire originale tentant de répondre à la situation géographique, à la précarité et à la pluriethnicité du territoire. Les Centres délocalisés de prévention et de soins (CDPS) assurent les soins primaires, de prévention mais aussi d’urgences dans des communes isolées avec parfois aucun accès routier aux centres hospitaliers du littoral. Les pathologies à prendre en charge sont nombreuses, allant des soins de prévention à l’urgence vitale. La population est jeune et les accidents sont nombreux notamment sur les sites d’orpaillage illégaux. Les complications cardio-vasculaires des pathologies comme l’hypertension artérielle et le diabète sont importantes ainsi que les pathologies infectieuses inhérentes au climat et à la biodiversité de la Guyane. Le plateau technique peu fourni sur place et le turn-over important de professionnels entraînent un nombre important de transferts aux urgences de Cayenne.
Objectifs :
- Décrire les caractéristiques démographiques, les motifs de consultation et la prise en charge aux urgences de Cayenne des patients adressés par les CDPS.
- Identifier les patients qui pourraient bénéficier d’une optimisation du circuit de prise en charge au vue des données analysées.
Matériel et méthode : Étude observationnelle rétrospective du 1er janvier au 31 décembre 2019 incluant tous les patients transférés des CDPS aux urgences de Cayenne. L’ensemble des données socio-démographiques, préhospitalières, hospitalières et l’orientation ont été recueillis.
Résultats : Sur l’année 2019, 842 patients résidant en communes isolées ont été adressés par un CDPS aux urgences de Cayenne. Le ratio H/F est de 1,27, la moyenne d’âge est de 36 ans (± 23). La classe d’âge le plus souvent transférée est les 25-65 ans. Les patients avaient une couverture sociale dans 82% des cas, celle-ci était plus fréquente chez les enfants. La population provenait le plus souvent des CDPS de Maripasoula et de Saint- Georges. Les deux modes de transports prépondérants sont l’hélicoptère : utilisé pour 36% des transferts et l’ambulance dans 17% des cas essentiellement à Saint-Georges (48%). Le motif de transferts le plus fréquent, toutes communes confondues, est les traumatismes (28%), puis les motifs abdominaux (9%), pneumologiques (9%) et infectieux (8%). Les patients ont été hospitalisés dans 71% des cas, la réalisation d’examens complémentaires, les demandes d’avis spécialisés et la prescription d’un traitement étaient significativement plus fréquentes dans le groupe des patients hospitalisés. Parmi les patients non hospitalisés, 7% n’ont pas eu d’examens complémentaires ni d’avis spécialisé requis aux urgences. Les enfants avaient des durées de séjour aux urgences significativement plus courtes que celles des adultes. Les retours à domicile étaient plus fréquents chez les patients en provenance de Saint-Georges.
Conclusion : Cette étude souligne le recours important au service des urgences de Cayenne par les CDPS. Les pathologies et leurs gravités sont variées. Notre travail relève également l’utilisation majeure des moyens aériens, notamment médicalisés, initialement prévus pour la prise en charge des urgences graves. La configuration de la Guyane rend les alternatives de transports difficiles. Notre travail identifie un certain nombre d’axes accessibles à l’optimisation de l’orientation des patients dès la prise en charge en CDPS : amélioration de l’équipement, appareillage de radiologie, intégration de la télémédecine dans la pratique quotidienne notamment pour l’aide à la décision d’évacuation sanitaire.